Noir métal - Sébastien Chabot
Fiche de lecture
Dans le faussement paisible village de Sainte-Florence, le retour d’un jeune homme marginal crée des remous. Fraîchement sorti du centre jeunesse, Sebastian Andersen ne parle pas. Mais son silence fait plus de bruit que sa musique, et dérègle le sordide équilibre qui régnait dans la bourgade matapédienne.
Entre le Général, grand prêtre du mystérieux groupe Vita Cirkeln qui « scandinavise » ses initiés, et Eva, fillette qui refuse son sort de monnaie humaine, grouille un nid d’adolescents paumés, de notables corrompus, de pervers de bonne famille, de femmes épuisées et de païens justiciers, sans oublier une faune sauvage atteinte d'un mal étrange. Sur fond de black metal, les églises grincent, les cimetières crachent leurs secrets, les mauvais souvenirs se font poignards et la vérité embrase cœurs et esprits.
Roman de cris et de chuchotements, Noir métal traduit le chant rauque des épinettes et raconte un territoire onirique, voisin de ceux de David Lynch et des seigneurs du chaos où l’antimorale pure n’épargne personne, surtout pas les saints.
Informations pédagogiques
Époque.s
Contemporaine
Lieu.x
Village de Sainte-Florence, en Gaspésie, dans la vallée de la Matapédia
Thème.s
Traumatismes d’enfance, violence, abus sexuels, religion chrétienne et païenne, sociétés secrètes, corruption, pollution environnementale, maladie mentale, musique métal, vengeance
Style et construction du récit
Style frontal: phrases courtes et percutantes, descriptions poétiques. Esthétique morbide, inspirée du black métal. Narration à la troisième personne, axée sur une demi-douzaine de personnages en alternance. Construction linéaire avec retours en arrière, passages hallucinés.
Pistes de réflexion
Le roman est centré sur la musique black métal et l’esthétique qui s’y rapporte. Proposer aux étudiants l’écoute de certaines pièces de groupes tels que Mayhem ou Venom. Expliquer le contexte d’émergence de cette musique en Scandinavie, ses impacts – notamment au niveau politico-religieux, avec l’antichristianisme et l’incendie des églises norvégiennes.
Proposer un exercice d’écriture où les étudiants sont amenés à imaginer les paroles des chansons composées par Sebastian.
Obsédé par la Scandinavie, le Général s’intéresse aux premières visites de peuples scandinaves sur le territoire québécois. Explorer ces moments historiques avec les étudiants. Activité bonus: le Général donne aux personnes qu’il intègre dans son cercle des noms scandinaves à partir de leurs patronymes québécois : Chabo/ Chabå, Poitras/Petersen. Proposer aux étudiants de «scandinaviser» leur nom et d’imaginer un alter ego.
En complément
LECTURES
La route, roman de Cormac McCarthy
Les fous de Bassan, roman de Anne Hébert
Neige noire, roman de Hubert Aquin
Le livre de Dina, roman de Herbjørg Wassmo
Golgotha, recueil de poésie de Benoit Jutras
VERS D'AUTRES ARTS
Lords of Chaos, film de Jonas Åkerlund
Metalhead, film de Ragnar Bragason
Twin Peaks, série de David Lynch
Cris et chuchotements, film d’Ingmar Bergman
Les œuvres des artistes Hans Ruedi Giger et Zdzisław Beksiński
Extraits
p. 145-146
Ils sortirent ensemble de la grange. La fillette dodelinait de la tête, amortie de sommeil. Sebastian l’invita à monter sur son dos et il marcha et prit l’aspect d’un bossu.
Dans le champ de labour, le corps d’Eva était dur à maintenir sur son dos, tandis que sa respiration ralentissait et lui chauffait la nuque et l’humidifiait. À travers ses paupières mi-closes, le paysage s’amplifiait d’un sommeil qui transformait les ruisseaux, les arbres, la moindre roche en décor pour romancier florencien. Elle s’était endormie. Il lui serra les jambes avec ses coudes et ralentit le pas. À l’orée du village, des aboiements levèrent des animaux dans les fossés qui provenaient de partout à la fois et qui frôlaient les jambes de Sebastian, jusqu’à ce qu’il entre dans la cour arrière de l’épicerie. De cet endroit, ils pouvaient surveiller le point central du village, le pont. Il posa un genou par terre entouré des suaves odeurs des bennes à ordures.
pages 76-77
Les sœurs Chiassen sortirent d’une porte au fond du chœur et descendirent l’allée centrale. Trois vieilles femmes qui se partageaient les mêmes traits dans trois possibilités d’agencement. Elles portaient des aubes blanches qui leur couvraient tout le corps. Quand elles marchaient, le vêtement ample se collait à leurs membres. À la hauteur des genoux, de grosses bosses, et leurs bras semblaient des branches. Arrivées près de Chabå, elles se penchèrent vers lui.
Inspecteur, nous sommes inquiètes.
Inquiètes.
Très inquiètes.
J’ai questionné les deux ados qu’on a attrapés, lança- t-il rapidement. Je pense pas que ça soit eux qui se sont introduits dans l’église. Vous êtes-vous fait voler quelque chose?
L’air vient à nous manquer, la nuit.
Tu ne devrais pas boire autant de lait.
Au matin, tu te plains d’un fromage au ventre.
J’ai des adhérences.
Mais est-ce qu’on vous a pris quelque chose, des cierges, des croix, des calices?
Nous n’avons rien fait de mal.
Une fois seulement sans le savoir.
Le curé Plourde ne voulait pas qu’on barre les portes pour permettre aux fidèles de venir prier.
Mauvaise idée.
Comme le retrait des statues parce qu’elles faisaient peur aux vieux.
Mesdames, on en a déjà parlé.
Il y a beaucoup de choses qui se disent entre statues.
Elles se parlent dans la nuit.
Nous savons qu’un jour de grands secrets seront dévoilés à la face du Seigneur.
Et c’est pour très bientôt.