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Marie Hélène Poitras

La désidérata - Marie Hélène Poitras

Fiche de lecture

Sous le ciel aveuglant de Noirax couve une longue tradition de secrets qu’il faudra un jour détricoter. Dans la Malmaison, les pères entretiennent depuis longtemps le silence, nourrissent les panses et multiplient les désidératas: Pampelune, la bougresse, Héléna, la Pimparela, des femmes au destin tragique.

Le père est rassuré : le domaine est paisible, endormi. On a fermé la porte de la Maison aux parfums de crainte que la vérité s’en échappe. Son fils, Jeanty, de retour au bercail après une déconvenue amoureuse, entame sa propre quête identitaire. Aliénor, une femme qui compte bien changer le cours des choses, arrive à Noirax avide de réponses. Un rideau se lève.

Dans cette fable gourmande où l’on crée et procrée, les parfums persistent, prégnants, au-delà des pierres. Les puissants vacillent, les chasseurs sont chassés, les loups hurlent l’annonce d’un règne nouveau.

Déploiement gracieux et lyrique ponctué de chansons qui n’ont d’innocent que les apparences, La désidérata est un hommage aux voix qu’on a tenté de bâillonner, le récit lumineux du retour de la vie.

Informations pédagogiques

Époque.s

Temps du conte, indéfini, qui évoque le tournant du 19e au 20e siècle

Lieu.x

Village fictif de Noirax, situé dans une campagne inspirée du terroir français

Thème.s

Filiation, patriarcat, prédation, violence faite aux femmes, transidentité, désir, art, vérité, plaisir des sens, nature, monde rural, herboristerie (poisons et parfums), création et procréation

Style et construction du récit

Écriture lyrique; narration omnisciente; alternance des points de vue des personnages; chronologie linéaire. Jeu sur la réalité versus la fiction, les faux semblants. Intégration de chansons traditionnelles et de comptines d’enfants.

Pistes de réflexion

  1. Le roman fait appel à de nombreuses chansonnettes d’enfants qui, lorsqu’on s’y penche de plus près, s’avèrent beaucoup plus sombres qu’on le croit. Proposer un travail de recherche sur les origines et la signification d’une de ces chansons, puis une réinterprétation à la lumière du contexte d’aujourd’hui (dénonciations, mouvement moiaussi, équité homme et femme, rapport à la nature, etc.)

  2. Dans La désidérata, l’autrice sème plusieurs indices laissant entrevoir le fait que son univers et ses personnages sont factices, les acteurs d’un théâtre de sa conception. Proposer un travail de repérage de ces indices, et une réflexion sur le pacte de lecture

  3. Tout en était ancrée dans des enjeux très actuels (contestation du pouvoir masculin, dénonciation des violences sexuelles), l’intrigue de La désidérata se déroule dans un lieu et un temps qui semblent appartenir davantage au conte. Proposer un exercice d’écriture double, où un événement est d’abord raconté dans un contexte contemporain, puis replacé dans un univers de conte

En complément

LECTURES

Les œuvres d’Audrée Wilhemy, particulièrement Oss et Blanc résine
Gargantua, de Rabelais
Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé

VERS D'AUTRES ARTS

La grande bouffe, film de Marco Ferreri
Peau d’âne, film de Jacques Deny
Dogville, film de Lars Von Trier
Peintres de natures mortes tels Rembrandt, l’école flamande ou des artistes vivants qui s’en inspirent : Claudie Gagnon, Paryse Martin, Chris Millar
Les photographies de Joel-Peter Witkin, dont une des œuvres est sur la couverture du roman

Extraits

  1. p.11

    Sous les nuages, le village de Noirax ressemble à un petit théâtre. Des décors de carton, une scène où déclamer les répliques et des marionnettes qui attendent qu’on enfouisse en elles une main et qu’on les anime, qu’on les envoie courir de droite à gauche, puis de gauche à droite avant de les faire disparaître en coulisse.

    On entend une mélodie au loin, portée par une voix féminine. Un refrain allègre n’annonçant pas la brutalité du dernier couplet, qui tombera comme la lame d’une guillotine.

    La forêt tout autour est faite de mots, avec des secrets enterrés dans les espaces entre ceux-ci ou entortillés autour des racines.

    Rideau.

  2. p.116

    Aliénor abandonne elle aussi ses bottes à talons en entonne la suite:

    Je ne veux pas d’un prince

    Alazim boun boun

    Alazim boum boum

    Je ne veux pas d’un prince

    Encore moins d’un baron

    Oh! Le joli botillon appartenant à Aliénor! Le père s’émeut de son étroitesse, sourit et enchaîne:

    Je veux mon ami Pierre

    Alazim bounboun

    Alazim Boum boum

    Je veux mon ami Pierre

    Celui qu’est en prison

    Elle connaît les paroles, elle veut jouer et chanter avec lui. Tu n’auras pas ton Pierre, alazim boum boum, alazim boum boum. Le père avance vers cette voix rauque, ce nord magnétique, et découvre, tombée en chemin, la couronne de phlox d’Aliénor, celle qui lui confère son air impérial.

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