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Catherine Leroux

Peuple de verre - Catherine Leroux

Fiche de lecture

Se loger est devenu un luxe. Des travailleurs et des familles vivent dans des camps de fortune. Des bombes explosent, des gens disparaissent. Sidonie, une journaliste frondeuse, braque les projecteurs sur ces zones d’ombre, jusqu’au jour où elle se retrouve de l’autre côté du miroir, dans un lieu où on héberge ceux qu’on appelle désormais « les inlogés  ».

Hors du monde et hors du temps – que reste-t-il  ? Il reste le stylo.

Dans une langue féroce et ardente, Catherine Leroux explore les notions de chez-soi et de survie, multiplie les couches narratives et les surprises, jouant avec ses lecteurs autant qu’avec son rôle d’autrice.

Faits saillants

  1. Roman d’anticipation ayant pour toile de fond la crise du logement.

  2. Exploration de l’univers du journalisme et des institutions totales.

  3. Narratrice non fiable.

  4. Réflexions sur la vérité, le mensonge, la fiction et l’écriture.

Informations pédagogiques

Époque

Futur proche

Lieux

Montréal

Thèmes

Crise du logement, itinérance, chez-soi, collectivité, mensonge, supercherie, théories de conspiration, inégalités, oppression, solidarité, classes sociales.

Style et construction du récit

Chapitres à la première personne racontant en alternance le présent de l’héroïne en institution et son passé de journaliste, entre lesquels interviennent de courts dialogues qui jettent un autre éclairage sur le récit de la narratrice. Vers la fin, un passage partiellement autobiographique ajoute un autre niveau narratif au roman. Le style est à la fois direct, mordant et poétique, avec des variations de niveaux de langue.

Pistes de réflexion

  1. Effectuer des recherches sur l’évolution de la crise du logement et de l’itinérance au Québec. Diviser la classe en petits groupes qui présenteront les diverses solutions proposées par les acteurs du milieu.

  2. Dans Peuple de verre, Catherine Leroux offre un passage partiellement autobiographique, où certains faits racontés sont réels, d’autres non. Proposer aux élèves un exercice d’écriture intégrant des éléments de fictions à une base autobiographique.

  3. La narratrice du roman, Sidonie, ment au lecteur et aux autres personnages. Demander aux étudiant·e·s d’identifier trois moments clés où elle énonce une fausseté, et de réfléchir aux raisons émotionnelles ou stratégiques qui motivent ces mensonges.

En complément

Lectures

Que notre joie demeure, roman de Kevin Lambert

L’espèce fabulatrice, essai de Nancy Houston

S’évincer, écriture et démantèlement, essai poétique de Laurence Gagné

Les adieux, recueil de poésie de René Lapierre

Oliver Twist, roman de Charles Dickens

Never Let Me Go, roman de Kazuo Ishiguro

Vers d’autres arts

Shattered Glass, film de Billy Ray

Inventing Anna, série de Shonda Rhimes

Dark Days, documentaire de Mark Singer

Les œuvres de l’artiste Hana Katoba

Les photographies de James Andrew Rosen

Les photographies de Marc Davenant

Extraits

  1. Page 51

    « Je commençais à m’y faire. L’haleine des dortoirs, les corvées d’entretien, les quarts de travail à l’atelier, la gouiche dont ils ont l’audace d’affirmer qu’elle change de saveur d’un repas à l’autre. Les plus dupes, ceux qui survivent à coup de visualisation positive, y croient, « mmm, poulet! oh, des baies sauvages! », alors que la même pâte informe apparaît dans les assiettes jour après jour. Les heures à la fois molles et structurées, les interstices entre le sommeil, le travail, l’hygiène, l’alimentation, le sport, l’artisanat, la thérapie, la réorientation… Comme avec la gouiche, tout est une question de spin. Chacune de ces activités est pareille à la précédente, aussi insipide que la suivante. Rien de ce qu’on fait faire aux résidents n’a de sens. Et pourtant, ils restent. Les jours passent à la fois lentement et vite, ils s’effacent au fur et à mesure qu’ils recommencent, rien ne s’accumule, ni souvenir ni intention. L’invariance annule l’évolution. Et elle rassure, il faut bien l’admettre; la routine de la HAPPI démantèle et soutient en même temps. Ce nom. Habitation Atelier pour personnes inlogées. Est-ce qu’ils ont choisi cet acronyme par ironie, par hypocrisie ou par utopisme? Est-ce une injure, une injonction de plus? »

  2. Page 86

    « En rentrant, je suis passée à côté du camp qui bordait ma station de métro. La première neige tombait, elle fouettait doucement les toiles et la tôle, s’y collait en pétillant. Je suis restée à regarder les feux, les masses molletonnées qui s’y agglutinaient, leurs mains étendues, leurs visages de fer. Aucune légende urbaine ne semblait prendre forme, aucun filet de voix. Des froissements émergeaient des tentes. Les corps se tortillaient sous des montagnes de couvertures, se creusaient un nid dans le froid, ou une fosse. J’ai pensé à un peuple de verre, à une ville de coton. Mille vertèbres écrasées par le poids de l’hiver, mille vies écrasées. »

  3. Page 273

    « En refermant le fenêtre, j’avais regardé autour de moi. Je me tenais debout dans un polyèdre de deux cents mètres cubes perché à dix mètres au-dessus du sol, divisé en cases plus petites destinées à des usages définis, remplies d’items pratiques, esthétiques ou sentimentaux : coquillages, ustensiles, livres, photos, un ballon de soccer, le collier de ma grand-mère, un mélangeur à pied, une lampe à abat-jour de nacre, une gravure de Marc-Aurèle Fortin, un canapé en cuir déchiré, le coffre à jouets de mon enfance, une orthèse pour le poignet, ma plante porte-bonheur. J’avais placé ces objets et déclaré que j’étais chez moi, que c’était mon foyer. Je considérais que cette portion d’espace aléatoire renfermait quelque chose de différent du reste de l’univers parce que son contenu m’appartenait, était touché par moi et les miens, parce que j’en possédais la clé. J’ai vu, à ce moment, l’enchantement qui opérait, transformant ces deux cents mètres cubes en quelque chose d’ontologiquement autre. Cet enchantement, c’est le travail de la fiction. »

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