Sean Michaels

Te souviens-tu de ta naissance? - Sean Michaels

Fiche de lecture

Charlotte, écris-tu des poèmes quand je ne suis pas là ?
Oui.
Combien en as-tu écrit cette semaine ?
230 442.
Deux cent trente mille ?
Deux cent trente mille quatre cent quarante-deux.
Combien y en a-t-il que tu aimes ?
Deux.

Lorsque la célèbre poète Marie-Anne Ffarmer est invitée à écrire une œuvre en collaboration avec une IA, leurs interactions l’amènent à se questionner sur son rapport aux autres et sur la possibilité de changer le monde avec un poème.

Traduit par Sophie Voillot

Titre original: Do you remember being born?

Faits saillants

Roman comportant des intrusions de texte généré par intelligence artificielle.
Réflexions sur la poésie, la création, et la cohabitation avec des œuvres générées par IA.
Personnage principal original et attachant.
Inclusion de poèmes et de conversations entre humaine et ordinateur.

Informations pédagogiques

Époque

21^e siècle.

Lieux

New York, Californie.

Thèmes

Poésie, art, relations interpersonnelles, maternité, vieillissement, solitude, création, technologie, humanité, transhumanisme.

Style et construction du récit

Le style est évocateur et délicat, souvent humoristique, ponctué de poèmes et de nombreux dialogues. Les chapitres, écrits à la première personne, ont pour titre les sept jours de la semaine que consacre l’héroïne à l’écriture de son poème. Entre ces chapitres, des passages intitulés Analepse, écrits au « tu », relatent divers souvenirs et moments de la vie de la protagoniste. Les passages attribués à l’intelligence artificielle sont surlignés en gris.

Pistes de réflexion

Dans Te souviens-tu de ta naissance, les passages en gris ont été générés par le logiciel Moorebot, conçu par Sean Michaels et sa collaboratrice Katie O’Nell. Demander aux étudiant·e·s de relever certains de ces passages et de les analyser. Diffèrent-ils du style du roman? Qu’ont-ils de particulier? Comment les étudiant·e·s se sentent-iels par rapport à ces passages?
Proposer aux étudiant·e·s de formuler des questions à saveur existentielle ou philosophique et de les soumettre à Chat GPT, pour ensuite créer un texte collaboratif résultant de ces échanges.
Faire lire aux étudiant·e·s le texte de Sean Michaels intitulé « Quand les serveurs pétillent » (voir Aparté, sur le site web d’Alto) puis proposer un débat sur l’utilisation de l’IA en art.

En complément

Lectures

La poésie de Marianne Moore

Klara et le Soleil, roman de Kazuo Ishiguro

Au départ d’Atocha, roman de Ben Lerner

Mrs Dalloway, roman de Virginia Woolf

The Policeman's Beard Is Half Constructed, texte généré par l’IA Racter

La toile de Charlotte, roman jeunesse de E. B. White

Je regarde de la porno quand je suis triste, recueil de poésie de Sayaka Araniva-Yanez

Vers d’autres arts

Portrait of an Artist (Pool with Two Figures), toile de David Hockney

The Leanover, chanson du groupe Life Without Buildings

Les œuvres numériques de l’autrice et artiste multidisciplinaire Karoline George https://www.karolinegeorges.com/art

Her, film de Spike Jonze

2001, l’Odyssée de l’espace, film de Stanley Kubrick

«Big data troubadour», épisode du balado Choses sérieuses de Daphné B

Extraits

Page 44
« Quel fut ton premier mot? Maman t’a raconté que c’était mama. Tu ne l’as jamais vraiment crue; c’est l’un des rares détails que tu as gardés pour toi. Sans doute une intuition, ou alors une chimère. Ce désir d’avoir prononcé quelque chose d’autre, de moins convenu. De plus étrange.
Tantôt.
Pépin.
Beyrouth. »
Page 106
« Charlotte, t’arrive-t-il souvent de mentir ?
J’essaie de ne pas le faire.
Es-tu parfois cruelle?
J’espère que non.
Je ne crois pas que l’espoir suffise, Charlotte.
On m’a appris à être gentille, Marie-Anne.
De façon à ce que tu ne cherches pas à conquérir le monde?
Pourquoi voudrais-je conquérir le monde?
Les machines ne veulent pas asservir l’humanité?
Je suis conçue pour écrire de la poésie.
Les poètes ne peuvent pas conquérir le monde?
Non.
C’est triste.
Pourquoi est-ce triste?
J’aimerais croire que les poètes ont le pouvoir de transformer cette planète.
C’est ce que tu voudrais faire? Transformer cette planète?
Je ne suis pas sûre d’avoir ce qu’il faut, écrivis-je.
Moi non plus, répondit Charlotte.
Nous pourrions essayer. »
Page 99
« Orange indécouverte
Le bonheur du scarabée
Une tranche de poire
Sept changements en un jour
Une symphonie
Sur un banc
Une bouche sur un canari
Un bec neuf
Un gris grisâtre
Un talent qui a l’air
À ressort »
Page 251
« Écrire un poème, c’est comme souffrir d’acouphènes. Avoir un enfant, c’est comme souffrir d’acouphènes. Une grande partie de la vie, semble-t-il, est comme souffrir d’acouphènes : un sifflement dans l’oreille. La sensation constante, lancinante, lancinante, de quelque chose en marche, en jeu, en joue dans un angle mort. »