Dee Barsy est une artiste visuelle émergente, membre de la Première Nation Skownan du Manitoba. C’est à partir de ses œuvres, distinctives par leurs lignes géométriques sur fond bleu clair, que la composition illustrant la couverture de L’amour aux temps d’après a été constituée.
ALTO - Comment et à quel moment avez-vous compris que vous seriez artiste?
DEE BARSY - Je crois que j’ai toujours été artiste. Quand j’étais enfant, mes parents m’encourageaient beaucoup à faire de l’art, il y avait toujours du matériel pour expérimenter et créer dans la maison. C’est au cours de mon baccalauréat en 2007 que j’ai découvert que j’aimais la peinture.
Que pouvez-vous dire au sujet de votre processus de création?
Je commence par l’arrière-plan, qui est toujours du même bleu. Puis j’ajoute les formes abstraites et les lignes de manière intuitive. Ces formes sont pour moi l’expression d’émotions et de sentiments. Récemment, j’ai commencé à ajouter des animaux aussi, que je choisis en fonction de la faune propre au lieu où je me trouve. J’aime penser à ce que les animaux peuvent nous enseigner, et j’aime apprendre sur la faune locale, c’est une bonne manière d’entrer en lien avec les habitants d’un lieu, et de mieux comprendre et apprécier chaque environnement.
C’est intéressant pour moi d’expliquer ainsi mes œuvres, particulièrement depuis que j’enseigne l’art aux enfants, à qui je dois expliquer mon travail. Ça m’aide à réfléchir à mon art – souvent, quand les artistes visuels doivent écrire à propos de leur travail, c’est complexe et alambiqué, mais ça ne devrait pas l’être.
La manière dont je crée mes formes et mes lignes est la même que celle que je propose aux enfants. Je leur dis de fermer les yeux et de visualiser la couleur, la forme de leurs émotions, comment ils les sentent dans leur corps – est-ce dur, pointu, creux, fuyant...? Puis, je leur demande d’ouvrir les yeux et de dessiner ce qu’ils ont vu. C’est exactement comme ça que je procède avec mes peintures, mais, comme ça fait très longtemps que je travaille ainsi, ça se fait automatiquement, sans que j’aie besoin d’y réfléchir.
Ce fameux bleu, très éclatant, comment en est-il venu à se retrouver en toile de fond de toutes vos œuvres? Que signifie-t-il
Il y a plusieurs années, je n’avais pas beaucoup d’argent pour acheter de la peinture, et j’avais un gros tube plein de cette couleur, alors j’ai décidé de recouvrir ma toile avec, de m’en servir comme base. J’ai découvert que cette tonalité constituait une bonne base, elle supportait bien les autres couleurs que j’utilise et fonctionnait avec ma palette.
Ce bleu vierge du début d’un projet représente pour moi un espace ouvert, le ciel, l’eau, la liberté.
D’un point de vue plus technique, il ouvre des possibilités. Je fais beaucoup de murales, et j’aime prendre ces murales en photo puis utiliser ces photos pour créer une nouvelle œuvre. Le fait que l’arrière-plan est toujours du même bleu me permet de créer plus facilement des images composites.
De quelle manière vos origines autochtones influencent-elles votre travail?
J’ai été adoptée par une famille allochtone au Manitoba et j’ai rencontré ma famille biologique, également au Manitoba. Il est parfois difficile de passer de l’une à l’autre, de trouver un équilibre entre ces deux parts de ma vie. Le fait d’avoir mon propre espace imaginaire, et ce bleu qui me procure un sentiment de liberté, m’aide à trouver une sorte de lieu ouvert propice à l’équilibre, à traduire mes émotions en images.
Comment la page couverture de L’amour aux temps d’après a-t-elle été créée?
Quand on me demande ce genre de contribution, j’aime travailler de manière collaborative. Je veux m’assurer que les personnes avec qui je collabore peuvent apporter leur contribution et, dans ce cas précis, avoir une image qui convient à leurs besoins (par exemple, avoir de la place pour le titre, le nom des auteurs). J’ai donc envoyé plusieurs photographies de mes œuvres et proposé au graphiste d’Alto d’en faire un collage. Il s’agit donc d’une œuvre originale, unique.
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Joshua Whitehead (dir.)
L'amour aux temps d'après
Une anthologie de fiction spéculative bispirituelle et indigiqueer
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