Jones est le récit bouleversant d’une enfance meurtrie, révélant – non sans un humour acéré et simultanément – la force des liens fraternels et la douloureuse frontière entre l’amour et la violence. Neil Smith nous confie ce qui l’a poussé à raconter son histoire, ce besoin de vaincre la peur des monstres tapis dans les recoins – d’ouvrir la lumière non pas pour les faire disparaître, mais pour les révéler au grand jour.

Enfant, j’ai souvent déménagé. Ma famille a vécu au Québec, au Massachusetts, en Utah, en Illinois, en Ontario, comme si nous essayions de distancer un monstre qui nous poursuivait. Ce monstre est le sujet de mon nouveau roman, Jones.

À chaque endroit, j’ai fait de mon mieux pour m’adapter aux coutumes et imiter l’accent, généralement sans grand succès. Toujours le nouveau de la classe, l’étranger, j’avais du mal à me faire des amis. Je me suis donc réfugié dans les livres, mon échappatoire à un environnement que je ne contrôlais pas et au chaos qui m’entourait.

Des années plus tard, j’ai commencé à écrire mes propres livres, et l’écriture, tout comme la lecture, me permettait de sortir de ma réalité et de me plonger dans un monde imaginaire. Dans mon écriture, il était hors de question de revisiter mon passé, les tragédies que j’ai connues ainsi que les drames familiaux qui me hantaient toujours.

Mais après deux livres, je ressentais toujours une grande colère qui avait pris racine dans mon enfance. Après quelques sessions de psychothérapie, je me suis rendu à l’évidence : il fallait que j’écrive sur ma vie… sans pour autant en faire une autofiction. Pas de personnage qui s’appelle Neil Smith et qui écrit à la première personne ; plutôt un Eli Jones dont l’histoire se raconte à la troisième personne. J’avais besoin de mettre une distance entre ma vraie famille et celle de mon roman, d’où la naissance de cette famille Jones. En outre, je voulais avoir la liberté d’inventer des choses si cela s’avérait nécessaire.

Pour créer mes personnages, j’ai choisi d’agir comme un directeur de casting : c’est comme si j’engageais des acteurs pour incarner les vraies personnes dans ma vie, moi y compris. Ces acteurs nous ressemblent physiquement sans être nos sosies parfaits. Prenons l’exemple de la soeur dans Jones. Dans ma tête, je ne vois pas ma vraie soeur, Gail Smith (à qui je dédie le livre), mais une actrice, Abigail Jones, qui a les mêmes cheveux blonds, le même sourire narquois, le même humour noir. Cette distance entre la personne réelle et le personnage de fiction m’a libéré et m’a permis d’écrire cette histoire et d’en décrire les moments les plus déchirants.

Avant d’entamer l’écriture de Jones, j’ai lu une interview de l’écrivaine américaine Ottessa Moshfegh qui affirme qu’elle ne commence un projet de livre que si le sujet lui fait très peur. Jones me fait très peur. Toute ma vie, on m’a dit de taire les secrets que je dévoile dans ce livre. Par « on », je veux dire surtout mes parents.

Aujourd’hui encore, alors que le livre sort en français, en anglais et en allemand, je me demande parfois si je n’ai pas commis une grave erreur. Un génie monstrueux va-t-il sortir de la bouteille et m’étrangler ? Malgré cela, je tiens bon. Car le sujet du livre est trop important, un tabou peu abordé et mal compris.

Je veux que les gens comprennent pourquoi les enfants abusés restent souvent en contact avec leur abuseur toute leur vie et peuvent continuer à rechercher son amour, même à l’âge adulte.

En même temps, je ne voulais pas écrire un livre ultradéprimant ou trop lourd. Cette histoire devait aussi être comique par moments pour équilibrer les scènes plus sombres, d’autant que ma soeur aimait rire et que je ne voulais pas la trahir.

Je sais que certains lecteurs se demanderont quels événements sont réels et lesquels sont inventés. Il est probable que ceux que l’on trouvera un peu poussés seront ceux qui se sont produits pour de vrai. Sachez que plutôt que d’exagérer les événements, je les ai atténués.

Enfant, j’avais peur des monstres, ceux cachés au fond de mon placard la nuit et surtout ceux qui circulaient librement dans la vie de tous les jours. J’ai écrit ce livre pour les enfants comme Eli Jones qui vont vaincre leur peur et réussir leur vie.

Crédit photo: Julie Artacho


Couverture Jones de Neil Smith

Neil Smith

Jones

«Une lecture envoûtante, déconcertante et éblouissante, un roman empreint de beauté et de violence.»
Toronto Star

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