Les coups de dés - Sean Michaels
Fiche de lecture
Fils d’épicier, gambler et humoriste du vendredi soir, Theo Potiris n’a jamais craint de remettre son sort entre les mains du hasard et de ses caprices. Mais en ce printemps montréalais où le destin le frappe durement, la chance paraît l’avoir abandonné. Fidèle à ce que lui a appris son père avant de mourir, Theo cherche alors à secouer la fatalité, à «entrer en duel avec les possibles» — sans se douter que certaines entités ont la capacité d’agir sur ce que les profanes appellent des «coïncidences». Les coups de dés se lit comme un roman d’aventure à mi-chemin entre Ocean’s 11 et Robin des bois. Des comedy clubs à Taipei, du Mile End au désert marocain, ce livre qui semble en contenir plusieurs insuffle tout naturellement du surnaturel à l’ordinaire.
Dans cette oeuvre portée par une écriture évocatrice et un humour pince-sans-rire, Sean Michaels jette un regard unique sur notre foi en notre bonne étoile et sur nos tentatives pour contrôler l’incontrôlable.
Traduit par Catherine Leroux
Titre original: The Wagers
Informations pédagogiques
Époque.s
Contemporaine
Lieu.x
Montréal, Taipei, Maroc
Thème.s
Coïncidences, jeux de hasard, chance, liens familiaux, deuil, amour, probabilité, destin, identité, commerces de proximité, réussite sociale
Style et construction du récit
Récit linéaire mais chargé de rebondissements, parsemé de courtes ruptures narratives: échange épistolaire, extrait de roman, article pseudo-scientifique… Ton à la fois poétique et décalé, descriptions fines, très imagées. Passages humoristiques, particulièrement lors des scènes de stand-up.
Pistes de réflexion
Par l’inclusion d’éléments fantastiques et pseudo-scientifiques, Les coups de dés s’inscrit dans la tradition des littératures de l’imaginaires. Expliquer comment ce type de récit se distingue du récit réaliste, présenter les principales catégories de ce courant littéraire (science-fiction, fantastique, réalisme magique, new weird…). Proposer aux étudiants d’identifier les éléments qui rattachent le roman aux littératures de l’imaginaire; discuter de la manière dont les diverses catégories s’appliquent ou non.
Dans Les coups de dés, Sean Michaels brosse le portrait d’un quartier, le Mile-End, avec beaucoup de poésie et une grande richesse de détails. Proposer un exercice d’écriture où les étudiants doivent dépeindre un quartier qu’ils connaissent bien, ses lieux importants, ses boutiques, ses personnages.
En complément
LECTURES
Les œuvres d’Haruki Murakami
Les œuvres de Jorge Luis Borgès
Les œuvres d’Heather O’Neill
CINEMA
Funny People, film de Judd Apatow
Les films de Charlie Kaufman
I Heart Huckabees, film de David O. Russell
La trilogie de films Ocean’s de Steven Soderbergh
La murale Walla Vollo de Ola Volo en hommage au Mile-End
The Grand Budapest Hotel, film de Wes Anderson
Lost in Translation, film de Sofia Coppola
Extraits
p.111
La chance n’est pas une vertu, se rappela Theo. On ne gagne pas un pari parce qu’on était censé le gagner. Pourtant, le caractère arbitraire de la bonne fortune d’Hanna semblait contredire cette phrase avec d’autant plus de force, comme si cette chance devait, d’une manière ou du n’autre, avoir été méritée. Puis venait son corollaire : Pourquoi est-ce que ce n’était jamais tombé sur lui?
p.194
Du gobelet, elle sortit six dés noirs et blancs qu’elle lui montra.
– On dirait que tu vas faire un truc de magie, dit Theo.
– Je ne suis pas magicienne.
Elle remit les dés dans le gobelet et le secoua, sa main recouvrant l’ouverture. Le son rappelait des os qui roulent.
– Je…, dit-il.
Elle s’arrêta.
Il secoua la tête.
– Continue.
Simone recommença à brasser les dés, puis elle retira sa main.
Six dés.
Chacun présentait six points noirs.
– Ils pourraient être truqués.
– Ils ne sont pas truqués.
– Quelles sont les probabilités?
– Pas si faibles, en fait. Six six. Un sur six à la puissance six. C’est-à-dire environ un sur quarante-sept mille.
À nouveau, elle couvrit le gobelet et brassa. Ils se regardaient dans les yeux. Quand elle s’arrêta, elle lui montra : encore une fois, chaque dé représentait un six.
– Ça fait maintenant douze six, déclara-t-elle. Un sur deux milliards.
Elle ramassa le sable dans sa main et le remit dans le pot, puis lui tendit le gobelet. Il était lisse, léger, agréable au toucher. Il examina un des dés, palpant ses contours de plastique du bout du doigt.
Lorsqu’il secoua le gobelet, il entendit les os s’entrechoquer.
Six, six, six, six, six, six.