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Patrick deWitt

Les frères Sisters - Patrick DeWitt

Fiche de lecture

Hermann Kermit Warm doit mourir.

Le Commodore qui en a décidé ainsi a envoyé aux trousses du chercheur d’or les frères Eli et Charlie Sisters, tueurs à gages aux tempéraments radicalement opposés mais d’égale (et sinistre) réputation. Hermann Kermit Warm est un homme mort. À moins que les apparences s’avèrent trompeuses, que les truands ne soient pas ceux que l’on croit, qu’une crise de vocation ou une rage de dents frappent?

Ponctuée de rencontres inoubliables, d’idylles impossibles, de petites et de grandes cruautés, cette histoire improbable arrosée de mauvais whisky est à la fois un hommage au western et une spectaculaire réinvention du genre. Un pur moment de joie littéraire, un périple à dos de canasson qui vous laissera des bleus aux fesses.

Traduit par Emma et Philippe Aronson

Titre original: The Sisters Brothers

Faits saillants

  1. Réinvention moderne du western et emprunts aux genres du roman d’aventure et fantastique.

  2. La voix narrative à la première personne révèle la part d’humanité de personnages que leur métier d’assassin rendrait normalement antipathiques.

  3. L’écriture s’efforce de rendre la brutalité de l’Ouest américain et les scènes de violence sont parfois décrites de manière explicite.

  4. Un humour cru aide à alléger la tension générée par les séquences d’action et l’imprévisibilité de l’intrigue.

  5. L’œuvre verse dans la satire pour relever les facettes problématiques de la masculinité traditionnelle.

  6. Une réflexion philosophique se déploie en filigrane de l’intrigue haute en couleurs et rebondissements par le biais des remises en question existentielles du narrateur.

Informations pédagogiques

Époque·s

19e siècle

Lieu·x

L’Ouest américain : Oregon City, Mayfield (municipalité fictive de la Californie), San Francisco.

Thèmes

Fraternité, banditisme, conflits familiaux, ruée vers l’or, avarice, vengeance, alcoolisme, alchimie, masculinité.

Style et construction du récit

Récit en trois actes, ponctué de deux intermèdes oniriques et complété par un épilogue. Les péripéties rocambolesques, relatées par l’un des frères sont tempérées par les réflexions du narrateur au sujet de la vie et de la mort. Le style cinématographique, sobre et accessible, est couronné par une touche d’humour.

Pistes de réflexion

  1. Visionner l’adaptation cinématographique de Jacques Audiard. Réflechissez en classe à ce qui fait que l’adaptation d’un roman est réussie ou non. Est-ce qu’elle se doit d’être fidèle à l’œuvre originale ? Quelles sont les limites propres à la littérature et au cinéma qui permettent aux deux médiums de se compléter ?

  2. À travers ses extraordinaires péripéties, le roman de Patrick DeWitt propose une critique des vices et défauts de l’être humain. Demander aux élèves de rédiger un court texte expliquant comment la trajectoire des personnages leur a permis de réfléchir à des thèmes tels que l’avarice, la masculinité traditionnelle, la vengeance, la dépendance, la duperie, etc.

  3. Le roman contient deux intermèdes dans lesquels Eli Sisters converse avec une petite fille aux pouvoirs mystérieux. Discuter en classe de la signification possible des incursions du surnaturel dans le récité. Que viennent-elles ajouter à l'intrigue ou au propos ?

  4. À la fin du récit, le narrateur Eli et son frère Charlie semblent abandonner leur métier. Demander aux élèves d’écrire une courte lettre de la part de Charlie à l’intention de sa mère. Que sont devenus les frères Sisters, cinq ans après la fin du roman ? Encourager les élèves à refléter la personnalité de Charlie le plus fidèlement possible.

En complément

Lectures

À la recherche de New Babylon, roman de Dominique Scali

Lonesome Dove, roman de Larry McMurty

The Hawkline Monster, roman de Richard Brautigan

Méridien de sang, roman de Cormac McCarthy

Vers d’autres arts

The Sisters Brothers, adaptation filmographique de Jacques Audiard

The Ballad of Buster Scruggs, film anthologique des frères Coen

True Grit, film des frères Coen

Damsel, film des frères Zellner

Django Unchained, film de Quentin Tarantino

Extraits

  1. Page 62

    Je comptai cinq cadavres à plat ventre, tous éloignés les uns des autres. Charlie me raconta l'histoire tandis qu'il vidait leurs poches et leurs sacs de tout objet de valeur: « Le gros, là, c'était le plus coriace. J'ai essayé de le raisonner, mais il a voulu impressionner ses camarades. Je lui ai tiré dans la bouche et ils se sont tous sauvés en courant. Voilà pourquoi ils sont éparpillés, et qu'ils ont une balle dans le dos, tu vois? » Puis, s'accroupissant devant un corps frêle: « Celui-là ne doit pas avoir plus de seize ans, je dirais. Eh bien, ça lui apprendra à voyager avec de telles têtes brûlées. » Je restai silencieux.

  2. Page 208

    Charlie et moi étions en train d'attacher nos sacoches quand les quatre trappeurs sortirent sans bruit de la stalle derrière la nôtre. Lorsque nous les entendîmes, il était trop tard. Ils nous avaient cueillis à froid et les canons de leurs pistolets étaient braqués droit sur nos cœurs.

  3. Page 239

    Hier j'ai vu un homme se jeter du toit de l'Orient Hotel, et il a ri tout au long de sa chute, et quand il a touché le sol il a explosé pour ainsi dire. Il était saoul, a-t-on dit. Mais je l'avais vu complètement sobre juste avant. Il y a ici quelque chose qui peut vous corrompre jusqu'à l'os, si vous ne vous en défendez pas. C'est la folie du possible. Le geste ultime de cet homme incarne l'esprit collectif de San Francisco.

  4. Page 338

    Un autre long silence s'écoula sans que le moindre murmure ne me parvienne en provenance de Morris ou de Warm. Étaient-ils en train de faire leur examen de conscience pour pouvoir me répondre? Allaient-ils permettre aux frères Sisters jusqu'alors assoiffés de sang de se joindre à eux? Puis un bruit se fit entendre; je ne pus de prime abord l'identifier, mais lorsque j'y parvins je ne voulus pas y croire, tant un tel son paraissait incongru dans la présente situation: Hermann Warm sifflait. Je ne connaissais pas la mélodie, mais c'était le genre d'air que j'ai toujours apprécié, lent et larmoyant, avec des paroles qui parlaient sans doute de trépas et de cœurs brisés. Le sifflement s'intensifia lorsque Warm quitta sa cachette et marcha à découvert, traversant le barrage des castors jusqu'au plat herbeux de son campement. Il sifflait avec talent, et la mélodie dégringolait dans les graves et s'envolait dans les aigus, vibrant dans l'air pour disparaître dans le silence de la rivière.

  5. Page 347

    À mon réveil le soleil brillait sur mon visage, j'entendais couler la rivière, et Charlie n'était plus près de moi. Warm, un long baton à la main, se tenait près du tas de cendres. comme s'il s'apprêtait à frapper quelque chose. Il désigna le crane carbonisé de l'un des défunts frères et dit, « Vous voyez ça? Maintenant, regardez. » Il donna un petit coup sur le haut du crâne, et le visage entier se réduisit en poussière. « Voici l'ultime récompense de l'homme civilisé. »

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