Méduse | Martine Desjardins | Alto CODA
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Martine Desjardins

Méduse - Martine Desjardins

Fiche de lecture

On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu’elle en a oublié son véritable prénom. Elle marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres la vue de ses Difformités – des yeux si horribles qu’ils révulsent les femmes et pétrifient les hommes. Elle-même n’a jamais osé se regarder dans un miroir.

Chassée du foyer familial, Méduse est enfermée à l’Athenæum, un institut pour jeunes filles malformées, qui se dresse sur les bords d’un lac infesté de méduses. Dans les abysses de cet endroit lugubre, où les bienfaiteurs s’adonnent à des jeux cruels avec leurs protégées, elle découvre peu à peu les prodigieuses et redoutables facultés de ses Révoltances.

Le jour où elle en émerge enfin, c’est pour semer la destruction sur son passage. Mais avant de pouvoir se venger des bienfaiteurs qui l’ont humiliée, elle devra d’abord affronter le regard perfide de son ennemi juré – et celui, mortel, de ses propres Abominations.

Martine Desjardins signe ici un récit incendiaire sur la honte du corps, l’oppression et le pouvoir de la féminité. Un renversement des rapports de force qui jette une lumière à la fois crue et raffinée sur la monstruosité.

Faits saillants

  1. Roman fantastique à saveur gothique, aux ambiances lugubres et brumeuses et aux personnages biscornus.

  2. Inspiré de l’histoire de la Méduse dans la mythologie grecque.

  3. Descriptions de difformités et de torture.

  4. Mentions de sexualité (les yeux de Méduse sont en fait des vulves).

  5. Scènes de violence, de tentatives d’agression sexuelle et de meurtres.

Informations pédagogiques

Époque·s

Fin du 19e siècle, début du 20e

Lieu·x

Québec (bien que l’endroit ne soit jamais nommé) ; voyage en bateau autour du monde

Thèmes

Sexualité, oppression des femmes, image de soi, honte du corps, difformité, perversion, marginalité, empowerment, vengeance, mythologie

Style et construction du récit

Récit linéaire narré à la première personne, adressé à un interlocuteur inconnu jusqu’aux trois-quarts du roman. Courts chapitres. Style gothique aux accents un peu vieillots, juxtaposé à un propos très moderne et audacieux. Vocabulaire parfois proche du lexique scientifique ou médical, parfois plus ancré dans la langue parlée, au gré des élans de la narratrice. Langue bigarrée, émaillée de québécismes, de barbarismes, de « monstruosités ».

Pistes de réflexion

  1. Lire le mythe grec de la Méduse et identifier les liens, concordances et discordances avec le personnage et l’histoire de la Méduse de Martine Desjardins.

  2. Inviter les étudiants à choisir un personnage mythologique ou légendaire, connu pour avoir été victimisé. Proposer un exercice d’écriture où l’histoire de ce personnage est revisitée, en lui redonnant le pouvoir de se défendre ou de se venger, à la manière de la Méduse du roman.

  3. Explorer l’histoire de la tératologie, des chimères de légendes aux « freak shows » du 19e siècle, en passant par l’institutionnalisation des personnes atteintes de difformités et de handicaps.

En complément

Lectures

Laideronnie, essai de Kareen Martel
Attentat et Mercure, romans d’Amélie Nothomb
Histoire de la laideur, essai d'Umberto Eco
Maléficium, roman de Martine Desjardins

Vers d'autres arts

Elephant Man, film de David Lynch
Promising young woman, film de Emerald Fennel
Les œuvres de l’illustrateur Ernst Haeckel

Extraits

  1. page 24

    Le crâne de la directrice était entièrement dégarni, ses cils et ses sourcils manquaient aussi : elle souffrait d’une forme rare d’alopécie congénitale qui accentuait, si c’était possible, son aspect squelettique. Elle avait un teint cireux sur lequel se découpaient des cernes de plomb. Ses lèvres, d’un noir bleuâtre et sévèrement froncées, n’avaient pas dû sourire souvent. Elles se sont tordues dans une grimace féroce et j’ai vu alors que ses dents étaient noires également. Quant à ses yeux, ils étaient, à ce moment-là, blancs de révulsion.
    “Quelles horreurs de la nature ! a-t-elle sifflé en me repoussant à bout de bras. On aurait envie de les crever.”

  2. page 143

    “Je n’ai pas terminé, a-t-il exhalé d’un souffle laborieux. Regarde-moi quand je te parle !”

    C’était la première fois qu’on me faisait une telle requête et, naturellement, il était hors de question que j’obtempère. J’ai écarté le cuisinier de mon chemin et mes cheveux l’ont giflé au passage.

    Mes Fatalités, cependant, ont eu une tout autre réaction : elles ont vu rouge. Entraînées par la colère qui leur bouillonnait au fond des rétines, elles se sont ouvertes comme une gueule de fauve et elles ont rugi à la face du cuisinier.

    Raide comme un pieu, les lèvres refermées sur un rictus affreux, il a basculé par-dessus le bastingage sans offrir la moindre résistance, sans chercher à se retenir, sans même pousser un cri. Il est tombé à la mer et s’est abîmé dans la masse gélatineuse des méduses avec un pataplouf retentissant.

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