Moi, ce que j’aime, c’est les monstres - Emil Ferris
Fiche de lecture
Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, admire les fantômes, les vampires et autres morts-vivants. Elle s’imagine même être un loup-garou : plus facile, ici, d’être un monstre que d’être une femme. Le jour de la Saint-Valentin, sa séduisante voisine, Anka Silverberg, se suicide d’une balle dans le coeur. Mais Karen n’y croit pas et décide d’élucider cette mort suspecte. Elle va vite découvrir qu’entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, son propre quartier prêt à s’embraser et les drames tapis dans l’ombre de son quotidien, les monstres, bons ou mauvais, sont des êtres comme les autres, ambigus, torturés et fascinants.
Journal intime d’une artiste prodige, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un kaléidoscope brillant d’énergie et d’émotions, l’histoire magnifiquement contée d’une fascinante enfant au coeur du Chicago en ébullition des années 1960. Dans cette oeuvre magistrale, tout à la fois enquête, drame familial et témoignage historique, Emil Ferris tisse un lien infiniment personnel entre un expressionnisme féroce, les hachures d’un Crumb et l’univers de Maurice Sendak (Max et les maximonstres).
Traduit par J.-C. Khalifa
Titre original: My Favorite Thing is Monsters
Faits saillants
Un univers graphique éclaté qui fourmille de détails
Une narration captivante
Un hybride réussi entre le journal intime, le roman graphique et l’enquête policière
Un style, tant visuel que narratif, unique en son genre
Scènes de violence et de violence sexuelle très crues
Informations pédagogiques
Époque·s
Les années 1960 et quelques flash-back des années 1930-1940 et des années 1950
Lieu·x
Chicago (le quartier d’Uptown, plus précisément), Berlin (un peu avant et durant la montée du nazisme en Allemagne)
Thèmes
Monstres, relations entre frères et sœurs, relations familiales, pauvreté, différence, maladie, deuil
Style et construction du récit
Une narration au « je », à la manière d’un journal intime avec des illustrations qui viennent appuyer le propos. Vers le ¾ du récit, on bascule à une autre narration au « je » alors que la protagoniste écoute les enregistrements d’une voisine décédée qu’elle recopie fidèlement.
Pistes de réflexion
Proposer aux étudiant·e·s de faire une recherche sur les monstres dans la littérature et au cinéma. Y a-t-il des ressemblances entre les monstres de la mythologie (les Cyclopes, les Titans, Méduse, le Minotaure, etc.) et les monstres « contemporains » (le vampire, le loup-garou, les fantômes, etc.) ? Lesquelles ? Et y a-t-il des différences ? Lesquelles ?
Faire choisir une couverture de magazine d’horreur dessinée par Karen et demander aux étudiants d’écrire l’histoire qui pourrait aller avec la couverture sélectionnée.
Organiser une visite virtuelle de musée pour y découvrir des toiles de grands maîtres et étudier les toiles à la manière de Deezer et de Karen. Quelles sensations chaque toile procure-t-elle ? Les œuvres font-elles penser à des odeurs, convoquent-elles des émotions particulières ?
Quelques suggestions de visites virtuelles : Musée d’Orsay, Paris , Musée Van Gogh, Amsterdam, Musée Getty, Los Angeles, National Gallery of Art, Washington , Musée Guggenheim, New York
En complément
Lectures
Comment tout a commencé (écrit par l’auteure)
Frankenstein, roman de Mary Shelley
Dracula, roman de Bram Stoker
Max et les maximonstres, album de Maurice Sendak
L’année du loup-garou, roman de Stephen King
The history of EC Comics, essai de Grant Geissman
Vers d'autres arts
Dracula, film de Francis Ford Coppola
Le loup-garou de Londres, film de John Landis
Le cauchemar, peinture de Johann Heinrich Füssli
Le sabbat des sorcières, peinture de Cornelis Saftleven
La Tentation de sainte Madeleine, peinture de Jacob Jordaens
Extraits
Page 7
Mes os ont craqué pour s’allonger. Comme ceux de Larry Talbot dans Le loup garou. Ma peau et mes ligaments se sont distendus. Et mes dents sont devenues aussi longues que des doigts, et acérées. Ma chemise de nuit, celle que maman avait été si heureuse de trouver pour pas cher était en lambeaux. Zut alors, même si j’avais jamais aimé son côté fifille, maman allait pas être super contente, parce que je savais pas « prendre soin de mes affaires ». Ils étaient peut-être encore loin, mais j’étais sûre que les gens approchaient.
Page 57
Et moi si j’adore dessiner, c’est grâce à Deeze. Quand j’étais bébé, il me donnait des morceaux de betterave et du papier brouillon, et il m’a ainsi fait dessiner avant même que je sache parler. Deeze a gardé tous mes dessins à la betterave, il y en a des tas sur les murs de sa chambre.
Page 347
— Je comprends qu’ils soient frustrés, là, en bas ! Et pourquoi Godzilla détruit Tokyo ! Vous ne me dites jamais la vérité… vous me laissez toujours exprès dans le noir ! Vous pensez que je ne supporterais pas de savoir… Mais c’est débile, parce que je me sens encore plus mal quand je sais qu’il y a quelque chose qui ne va pas et que personne me dit quoi !
— OK ! OK ! C’est maman, elle… elle ne va pas bien. Ils te laissent quitter l’école pour être avec elle…
— … parce que… parce qu’elle est en train de mourir ?
Deeze a hoché la tête et a commencé à pleurer… Il ne se préoccupait même plus de son truc de macho.